Christophe Paviot refait le portrait de Kurt Cobain et Jérôme Attal raconte sa vie avec les Beatles

La musique, rock, pop ou rap inspirent de plus en plus la nouvelle génération d’écrivains nourris autant de décibels que de manuscrits. A tel point que l’on parle souvent de « roman rock ». Malheureusement il ne suffit pas toujours de s’inspirer d’une icône forte pour faire un bon roman, quelque soit son potentiel romanesque. Récemment on se souvient en 2007 du décevant « Boys in the band » de David Brun-Lambert sur Pete Doherty ou encore de Joy Sorman qui signait « Du bruit » en hommage à NTM. Les éditions Naïves ont, elles, fait le pari périlleux de donner la parole à des écrivains pour évoquer un artiste qui les a marqués. Cette collection baptisée « Sessions » a notamment déjà publié Stevie Wonder vu par Anna Rozen, Mick Jagger par François Bégaudeau, les Beatles par Claro ou encore Indochine par Chloé Delaume. Christophe Paviot et Jérôme Attal s’essaient à leur tour au genre: (+ vidéo « Salon du livre ») :

Après la publication de 5 romans dont notamment « Blonde abrasive » et « Devenir mort », Christophe Paviot a choisi de s’intéresser au mythique groupe « rock-grunge », Nirvana en se plongeant dans l’esprit torturé de Kurt Cobain, son cultissime leader (A noter qu’Ann Scott se serait aussi inspirée du parcours du chanteur pour son premier roman « Asphyxie », paru en 1996). Il réinvente sa trajectoire de comète à l’envers, sous la forme d’une fausse autobiographie déroutante : le succès fulgurant de l’auteur de « Come as you are » qui se suicide d’une balle dans la tête à l’âge de 27 ans en pleine ascension parce que « it’s better to burn out than fade away« , est ici remplacé par une succession d’échecs et de galères entre drogue, concerts déserts et course enragée à la réussite. Boycotté par les stations de radio, frustré par les refus ou le silence des maisons de disques, les compositions qui restent au placard, aigri par toutes ces portes qui restent définitivement fermées. Un portrait de l’artiste en musicien maudit et désabusé que livre, (un vrai wanna-be en somme !), contre toutes attentes, Christophe Paviot.

Alors qu’on imaginait le rockeur comme quelqu’un de plutôt introverti, hypersensible, fragile voire timide, il nous apparaît ici comme un type assez odieux, jaloux, de mauvaise foi, violent, brutal et haineux. Kurt Cobain aurait-il vraiment réagi comme cela en cas d’échec ?… Dans une langue âpre et physique (il décrit par exemple le morceau « Smell like teen-spirit » en ces termes : « Ca démarre à ras-bord comme une overdose et ça finit pareil, comme une overdose, avec des glaçons fondus dans le cul. » ou encore « avec Nirvana, on va tout cramer, les buildings d’acier et de verre on va te les foutre par terre (…) On va tout saccager avec notre musique.« ), il dépeint cette quête désespérée et viscérale de reconnaissance. Un texte rageur qui fait preuve d’une certaine poésie électrique non dénuée d’humour mais qui peut aussi finir par lasser sur près de 150 pages par l’excès de « langue trash ».

« Le rouge et le bleu » de Jérôme Attal : « J’ai découvert la musique des Beatles à une époque où ils étaient séparés depuis longtemps: je n’ai pas connu les frissons de l’impatience dans l’annonce d’un prochain album, ni vécu à leur rythme une décennie faite de péripéties culturelles et politiques, d’avancées et d’épiphanies musicales, d’un état d’esprit qui m’aurait permis de mieux saisir l’avènement de telle ou telle chanson. Je les ai découverts d’un bloc, dans la boulimie maladroite de deux albums de compilation, des années après la bataille. » Dans ce petit livre à la mélancoliepoétique, dans la veine de son Journal en ligne, mais plus « écrit » et donc moins vif, Jérôme Attal livre un texte intimiste sur son histoire personnelle avec les albums des Beatles ou comment les chansons du groupe de Liverpool « infusent dans l’existence ». Beaucoup de digressions, de clins d’oeil à son premier roman « L’amoureux en lambeaux » ou de petites anecdotes sur son enfance/adolescence, les jolies filles des rues parisiennes et du Bon marché…, des petites théories telles que les amateurs des Beatles préfèreraient lire Tolstoï tandis que les fans des Stones seraient adeptes de Dostoïevski ou encore une comparaison entre les playlists et le tracé des rues d’une ville… émaillent ce récit iconoclaste.
Dans son journal en ligne, il commente : « J’aime beaucoup l’histoire avec les personnages de « L’amoureux en lambeaux ». Et l’idée que les lecteurs vont adorer les rapports des personnages dans cette histoire. Après, pour les lecteurs de mon Journal, ça va être encore plus jouissif parce qu’il y a je crois plein de pistes, de résolutions cachées, et pas mal de tunnels ; un truc que j’aime bien aussi est l’idée que le deuxième livre de Stendhal, après Armance, est Le rouge et le noir ; et moi mon deuxième livre sera justement Le rouge et le bleu ; ça me fait bien marrer ; mais l’analogie s’arrête là, je veux dire les problèmes du héros de L’amoureux en lambeaux sont bien heureusement d’une toute autre nature que ceux d’Octave de Malivert. »

A noter également la sortie prochaine de son deuxième roman, également inspiré par le milieu musical pop-rock, prévu pour septembre dans la nouvelle maison d’édition lancée par Stéphane Million.
Il se focalisera sur son personnage de Basile Green (déjà présent dans « L’amoureux en lambeaux »). Le pitch qu’il dévoile sur son journal : « un jeune rocker qui d’un pas s’est retrouvé sur le devant de la scène alors que jusque-là il n’avait été que spectateur : Spectateur de sa famille fantasque, spectateur de ses rêves. Il est catapulté en une chanson dans un monde où les rêves n’ont qu’une valeur marchande et médiocre, à l’opposé de là où il se tenait enfant. Seule la passion amoureuse lui ouvre le champ nécessaire à ce petit reste d’espérance vitale qu’il faut pour tenir. Il s’y jette à corps perdu dans ce pari que la femme qu’il aime ne se révèle pas au final à l’image du monde qu’il fréquente, en un mot lamentable. »

Et enfin petit buzz sur son excellente vidéo réalisée au Salon du livre 2008, enfin une bonne idée drôle et intelligente de promo littéraire vidéo en ligne !

6 Commentaires

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  1. Paviot & Attal : deux auteurs que j’aime beaucoup et dont je suis avec attention la carrière éthérée, sereine et noble.

    Sinon, les lecteurs ne sont pas terribles (sur la vidéo).

    Précision : le bouquin de Jérôme Attal est publié chez Le Mot et le reste.

    Précision inutile : mince, Hugues Aufray a les mêmes Ray-Ban que moi…

  2. Paviot est grand !
    Un auteur trop discret qui mériterait d’être plus lu/connu…

  3. La vidéo est drôle!
    Et il est encore plus drôle de tendre l’oreille pour entendre les conversation bruit de fond derrière…

    vive le salon!
    😉
    yann

  4. J’ai adoré son recueil de nouvelles, "Missiles. Et souvenirs cardiaques". Il a vraiment "une écriture" en effet Alex’.

  5. Ma réaction, (à chaud) : toucher à Kurt Cobain, comme ça, pas question.

  6. Alexandra, je me permets de te laisser le lien de cette longue interview de Jérôme Attal réalisée pour Discordance:

    http://www.discordance.fr/Jerome...

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