Littérature intimiste

Les livres des "choses de la vie", les "fragments de la vie des gens" aux héros névrosés, paumés, losers magnifiques. Attentifs aux détails du quotidien et au désespoir ordinaire qu'ils content avec sensibilité, subtilité voire cruauté ou cynisme... Une littérature puisée au plus profond des êtres. Romans psychologiques et existentiels.

La voyeuse interdite de Nina Bouraoui : Les évasions barbares du corps étouffé

La voyeuse interdite, premier roman de Nina Bouraoui, écrit à l’âge de 24 ans (prix du livre Inter 1991) entre directement par la grande porte dans la catégorie « Chef d’oeuvre ». Si la loghorrée cathartique de « Mes mauvaises pensées » (prix Renaudot 2005), son dernier roman, vous a dérouté (voire dégouté), découvrez ce premier petit bijou qui vous réconciliera avec l’auteur. Puisée au plus profond de ses origines algériennes, cette tragédie en quatre actes dénonce l’horreur de la condition féminine au Maghreb au nom de la pesante « tradition »

« Les mouflettes d’Atropos » de Chloé Delaume : Les monologues du vagin dévasté…

« Les mouflettes d’Atropos » de Chloé Delaume est intéressant à relire à l’occasion de la parution du manifeste de Virginie Despentes (King Kong théorie) qui aborde notamment son rapport à la prostitution (à travers sa propre expérience). Dans ce premier opus au nom mystico-ésotérique (inspiré de l’une des trois Parques qui coupait le fil de la vie dans la mythologie grecque), comme elle seule en a le secret, il cache un texte tendu à la fois déroutant, troublant et dérangeant. Mais aussi, fait inattendu : drôle!

Chambre sous oxygène (et Table rase) de Jean Baptiste Gendarme : Les souffrances du jeune Jean-Baptiste ou les monologues du coeur en chamade

Premier roman du jeune Jean-Baptiste Gendarme (publié à l’âge de 26 ans) qui ne se doutait pas du succès qui l’attendait (obtention de la bourse Hachette, investissement de Lagardère…), la coqueluche des auteurs wanna-be (dont certains sont publiés dans sa désormais célèbre revue littéraire Décapage), écrit ici un livre qui ne ressemble à aucun autre et dévoile une sensibilité aïgue de même qu’une écriture aux effets parfaitement maîtrisés. Choisissant la forme risquée de l’exercice de style (l’histoire se passe entièrement dans une chambre d’hôpital et alterne réalité, fantasme et flash-back), il décrit sous la forme d’une parabole poético-médicale les tourments du coeur dans tous les sens du terme. Un premier coup de maître pour ce jeune homme discret et secret. Et décidément très étonnant.

« Une femme normale » d’Emilie Frèche : Reconstitution polyphonique de l’éternel féminin…

Deuxième roman de cette jeune romancière, écrit à l’âge de 28 ans et publié en 2002 pour la première fois (sorti en poche en mai 2006), « Une femme normale » est un étonnant puzzle qui reconstitue, chapitre après chapitre, le visage et la personnalité d’une femme dont on ne sait, a priori, rien. Une adaptation au cinéma avec Charlotte Gainsbourg, Yvan Attal et Cécile de France était également en préparation… A la fois exercice de style et véritable récit, l’auteur réussit à se glisser dans la peau d’une infinité de personnages et de restituer de multiples perspectives, angles et facettes différentes de cette fameuse « femme normale », trentenaire, qui pourrait bien incarner « le mystère féminin »…

Extension du domaine de la lutte de Michel Houellebecq : Contes de de la frustration ordinaire

« Extension du domaine de la lutte » de Michel Houellebecq, un petit roman : un peu plus de 150 pages dans sa version poche. Un roman dont on ne soupçonne pas au premier abord la puissance existentielle et sociologique qu’il renferme. Et pourtant. Tout est là. Tout est dit. Simplement, sans emphase. Avec la force de la lucidité qui n’a besoin de rien de plus pour ébranler parce qu’elle puise au plus profond. Nos vies, leur insignifiance, leur vaine contenance, l’impuissance, la frustration affective, l’absurdité des « objectifs professionnels » ou du « statut », de la modernité, de la société, l’injustice sociale et physique : toutes ces micro-violences sourdes qui vrillent les êtres et les relations. Une humanité à la dérive… Houellebecq tire de son passé d’ingénieur agronome un petit chef d’œuvre.

« Lignes de faille » de Nancy Huston, l’innocence perdue en héritage

A travers les voix de quatre filliations d’enfants, d’un jeune californien à une fillette allemande, Nancy Huston restitue la vision d’une époque (du IIIe Reich à notre ère moderne juste après le 11 septembre) vue par les yeux de « l’innoncence »… Mais déjà si jeunes, leur être est abîmé et trahi par leur environnement. Endolori par leurs lignes de failles (familles) internes, héritées du passé. Le poids de l’histoire et des origines vers lesquelles le roman remontera peu à peu jusqu’au coeur du « noeud ». Dans ce superbe et douloureux roman, Nancy Huston célèbre, avec virtuosité, la mémoire, la fidélité, la résistance et la musique comme alternatives au mensonge. Qu’il émane de la guerre, du terrorisme des extrémismes de toutes sortes ou même des mères absentes ou étouffantes… Et nous montre que l’enfance n’est pas le paradis perdu auquel on veut nous faire croire… Un roman récompensé par le prix Femina 2006.

« Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part » d’Anna Gavalda, l’Evita Peron des lettres françaises

Publié en 1999, le premier ouvrage de la désormais célébrissime Anna Gavalda, « Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part », alors âgée de 29 ans, est ce que l’on appelle un petit miracle de l’édition. Bénéficiant d’un bouche à oreille exemplaire des médias, des libraires et surtout des lecteurs, le manuscrit refusé de tous les éditeurs (hormis Le Dilettante à qui elle est restée fidèle depuis), au prétexte que « les nouvelles ne se vendaient pas », se retrouvé propulsé en tête des meilleures ventes et envahit les rames de métros (impossible de faire un trajet sans croiser un voyageur équipé du précieux recueil !). Anna Gavalda s’en amuse d’ailleurs en revendiquant aimer rédiger des livres courts afin que « ses lecteurs ne ratent pas leur correspondance dans le métro ».

Les vies de Luka d’Arnaud Cathrine : La vie rêvée des anges de Liverpool…

Les vies de Luka, quatrième roman (adulte) d’Arnaud Cathrine, publié en 2000 aux éditions Verticales, poursuit son exploration des thèmes de l’adolescence, de la famille et de la mort. Situant l’intrigue à Liverpool, l’auteur se glisse dans la peau d’une jeune fille de 17 ans, Luka, qui aspire plus que tout à prendre son envol, à « devenir elle-même » et à vivre enfin loin de l’ennui sclérosant de sa ville natale et de ses mornes habitants.

« Poupée Bella » de Nina Bouraoui : Journal de la nuit et du désir des filles

La quête et l’acceptation de son identité constituent des thèmes majeurs et fondateurs de l’œuvre de Nina Bouraoui. L’auteur franco-algérienne confie dans ce huitième roman, en forme de journal intime, son chemin initiatique vers l’amour au féminin et dévoile sa vision du « Milieu des Filles » dans les années 80. De la découverte des codes de séduction dans les boîtes de nuit aux errances urbaines rue de Renne, dans le Jardin des plantes ou du Luxembourg, la piscine Deligny, le Marais, la rue des Archives…, où les interrogations, contradictions sur son rapport au corps, au désir l’assaillent. Sa recherche fiévreuse et hésitante, parfois aux portes de la folie, d’un équilibre à travers l’Autre. Récit vertigineux d’une éducation sentimentale homosexuelle… et universelle : une émouvante confession sur les difficultés de son existence partagée.

« Garçon manqué » de Nina Bouraoui : La double vie de Nina Bouraoui entre l’Algérie et la France, les filles et les garçons…

Dans « Garçon manqué », sixième roman de Nina Bouraoui, celle dont le nom vient d’Abi le père et de raha raconter, poursuit l’exploration de ses origines et surtout ses difficultés à trouver sa place, son identité métissée tant de nationalité (française ou algérienne) qu’individuelle (garçon ou fille ?). A travers un magnifique portrait de l’Algérie de son enfance puis de la Bretagne de ses grands parents dans les années 70…