Rhétorique amoureuse

Sélection de livres qui explorent nos sentiments et mettent à nu les secrets de la chair et de l'âme...
Romans sur la rencontre amoureuse, vie à deux, le couple la séduction, le désir, la jalousie, la misère affective et/ou sexuelle, la rupture, les déviances... Romans psychologiques, romans d'analyse, les romantiques classiques et modernes qui scrutent l'antaomie du coeur.

« La ballade de l’impossible » d’Haruki Murakami: Dérive nostalgique et sensuelle dans le Tokyo étudiant post 68

« La ballade de l’impossible » d’Haruki Murakami, livre qui l’a propulsé sur le devant de la scène internationale (paru en 1987 au Japon et vendu à plus de 4 millions et demi, et 8 millions si l’on compte les éditions poche, exemplaires, traduit dans 36 langues) fait écho à son beau conte sur le désir et la nostalgie « Au Sud de la frontière, à l’ouest du soleil ». A mi-chemin entre un roman d’apprentissage et un « campus-novel » asiatique, poétique et sensuel, l’écrivain japonais revient sur les traces de sa jeunesse étudiante dans les années 70, les amitiés et surtout les relations amoureuses qui ont jalonné cette époque marquée par l’ennui, l’incertitude et un certain plaisir malgré tout, avec en toile de fond les grèves anti-impéralistes, la vie des foyers de garçons, leurs passions musicales et culturelles et les cours d’histoire du théâtre…

« Lunes de fiel » de Pascal Bruckner (adapté par Polanski) : « Vivre une passion d’où je ne reviendrai pas »

Pascal Bruckner, dans son roman « Lunes de fiel » (1981), adapté par Roman Polanski, et l’un de ses grands succès sans pour autant avoir la notoriété des Particules élémentaires (publié plus de 15 ans après en 1998), aborde notamment le thème de la faillite du couple à travers l’usure inévitable du désir.

Fanfan d’Alexandre Jardin: « La passion expire quand l’espérance est morte »

Publié en 1990, « Fanfan » est le 3e roman d’Alexandre Jardin, écrivain précoce qui n’avait alors que 25 ans. Tout juste auréolé du prix du premier roman pour « Bille en tête » et jeune diplômé de sciences-po, il est finalement l’un des précurseurs non avoués de ces héros bobos à mi chemin entre Peter-Pan et le prince charmant, qui ont ensuite fleuri dans les romans de Florian Zeller, David Foenkinos, Nicolas Rey ou encore Frédéric Beigbeder qui publiait la même année que Fanfan, ses mémoires d’un jeune-homme dérangé (7 ans plus tard il écrit « L’amour dure 3 ans », également sur le thème de l’usure inéluctable des sentiments). Un romantisme moderne qui lui aura valu le succès mais aussi bon nombre de sarcasmes. Moqué pour sa « mièvrerie », son style « mielleux » ou encore « prétentieux », il est aussi plébiscité pour son inventivité et l’humour de ce conte d’amour contemporain, emprunt d’autoficton (notamment sur ses études et milieu familial).

« Néfertiti dans un champ de canne à sucre » : Quand Philippe Jaenada tente d’écrire son « 37°2 le matin »…

Après le succès de son premier roman « Le chameau sauvage », prix de Flore 1997, Philippe Jaenada publiait en 1999 « Néfertiti dans un champ de canne à sucre », que les éditions Points ré-éditent aujourd’hui en poche (après une première parution chez Pocket). Il confirmait ainsi son talent pour les histoires d’amour insolites et cocasses portées par des anti-héros trentenaires aussi maladroits qu’attachants. Toutefois la désinvolture et la légèreté prennent ici des accents plus sombres voire violents (et amorcent son quatrième roman dans la même veine, « Le cosmonaute », qui en est en quelque sorte la suite). Un roman qu’il qualifie de « très lourd à porter » et de « très intime ». A travers cette histoire de « star-crossed lovers », il nous raconte sa rencontre avec une « Betty Blue » qui l’entraîne dans une passion aussi intense (et torride !) que destructrice. Malheureusement contrairement à Djian, le récit, qui ne manque pas d’étincelles, finit par piétiner, à l’image de ses deux personnages, faute de vrai crescendo…

Warm-up de Bénédicte Martin: Chattes sur toit brûlant (sortie poche)

« Warm-up » de Bénédicte Martin: il aura fallu attendre presque 5 ans pour que son fameux recueil de nouvelles sorte en poche (mai 2008), aux éditions Pocket ! L’occasion de découvrir enfin ce qui se cachait derrière sa « scandaleuse » petite culotte couverture remplacée ici par une silhouette de femme en ombre chinoise, qui laisse planer le mystère. En fait Bénédicte Martin avait inventé la microfiction bien avant Régis Jauffret ! Mais contrairement à ce dernier qui fait plutôt dans le noir charbon, la demoiselle préfère au contraire butiner le rose et le rouge. A travers 41 saynètes ou tranches de vie, cette admiratrice d’Anaïs Nin et de Colette nous offre un condensé d’hédonisme, d’insouciance effrontée et de féminité mutine et insolente. A lire comme on se parfumerait d’un flacon à la fois fruité et capiteux, mi-nymphe mi-satyre…

« Peut-être une histoire d’amour » de Martin Page : Allégorie poétique ou verbiage prétentieux ? (1/2)

Repéré en 2001 avec un premier roman prometteur « Comment je suis devenu stupide » (voir chronique), Martin Page tente depuis de construire une œuvre suivie avec attention mais qui peut dérouter.
Problème: si le trentenaire tient souvent des idées de départ inventives et alléchantes, il peine à tenir la longueur en essayant d’étirer en roman ce qui ferait surtout une bonne nouvelle…
On salue pourtant sa « tendresse insolente » ou encore son « impertinence mêlée de gravité » même si on lui reproche en parallèle d’être « prétentieux, élitiste ou scolaire » ! Chronique à deux voix (énergiques !) pour faire le tour de ce drôle d’oiseau littéraire à l’occasion de la sortie de « Peut-être une histoire d’amour », en cette rentrée littéraire :

« Journal d’une jeune chinoise sur le Net » de Mu Zimei : Aventures entre Canton et Pékin…

C’est en 2003 qu’a été publié sous forme de livre (traduit en 2005, aux éditions Albin Michel en France) le blog de la chinoise Mu Zimei (de son vrai nom Li Li). Aboutissement du succès phénoménal rencontré par le journal intime en ligne de l’auteur, une chroniqueuse cantonaise de 25 ans, diplômée de philosophie. Elle y confie ses aventures sexuelles multiples et rencontre un buzz sans précédent lorsqu’elle évoque sa relation avec une star locale de la musique (marié). La ruée médiatique aidant, elle devient un phénomène de société, censurée comme il se doit par le gouvernement. Nympho, exhib’, une traînée ou au contraire une femme libre voire une égérie féministe favorisant « l’éveil social de la chine post-maoïste »… : on a tout entendu pour la qualifier. Mais ce « Journal sexuel d’une jeune chinoise sur le Net » (traduction un peu racoleuse du titre original « Lettres d’amour posthume ») ne doit pas être réduit au simple « récit de ses galipettes amoureuses ».

« Le boucher » d’Alina Reyes: Ebats et abats

« Le boucher » d’Alina Reyes déboule en 1988 sur le devant de la scène littéraire signé d’une petite jeune femme de 32 ans brune et incandescente avec un court et fulgurant roman au titre sanguinaire. Publié sous un pseudonyme (qu’elle conservera ensuite) emprunté d’une nouvelle de Julio Cortazar (« La Lointaine, Journal d’Alina Reyes ») et écrit en une semaine pour participer à un concours de littérature érotique – alors qu’elle était étudiante à Bordeaux, – elle défraie la chronique et s’impose d’emblée comme l’un des plus importants auteurs contemporains de littérature érotique (même si cette étiquette lui semble réductrice…

Histoire d’O de Pauline Réage (Dominique Aury), Attache-moi ou L’insoutenable liberté du corps

Histoire d'O Pauline Réage roman analyse critique

« Monte, dit-il. Elle monte. »
Toute la dialectique d’Histoire d’O de Pauline Réage est contenue dans cette simple première injonction.
Un ordre, sans explication, une soumission, sans interrogation, ni inquiétude.
O embarque avec son amant. Elle le suit confiante, s’en remet entièrement à lui, quelque soit la destination, quelque soit l’issue…

« Sex and the city » de Candace Bushnell, Chasse à l’homme dans Manhattan (+ extraits et teaser bande annonce du film)

Tout(e) fan qui se respecte doit découvrir le fameux petit livre Sex and the city de Candace Bushnell ayant inspiré les scénaristes de HBO pour la géniale série éponyme. Le livre est désormais disponible en collection poche. Toute crainte de mauvaise littérature chick litt’ est vite balayée ! Même si on ne retrouve pas exactement le mythique quatuor des copines new-yorkaises, l’ambiance et le ton sont bien là. Et c’est finalement l’essentiel. Candace Bushnell (photo ci-contre), alors journaliste branchée au New-York Observer (dont Carrie serait l’alter-ego), a un véritable don pour la réplique qui fait mal et l’aphorisme bien senti. Impitoyable, snob, sarcastique mais finalement fragile et touchante, elle parvient à livrer un portrait attachant de ces new-yorkaises blondes brillantes et sexy « en petite robe noire », qui rêvent d’une bague à leur doigt dans cette cité où sont exacerbés le désir et le désespoir… Bret Easton Ellis, qui pourrait être un cousin, ne s’y est pas trompé en saluant son talent pour « saisir la vérité qui tue »

« Les anges brûlent » et « Un jeune homme triste » de Thibault de Montaigu : Amour, désillusions et « beautiful people »

On a beaucoup parlé de Thibault de Montaigu à l’occasion de la publication de son premier roman « Les anges brûlent » en 2003 (et sortie en poche en 2005) alors âgé de 26 ans (né en 1979), peu de temps après celui de sa consoeur de l’Ouest parisien, Lolita Pille. Creusant le même sillon que cette dernière, il raconte le quotidien de la jeunesse dorée du XVIe arrondissement parisien, entre excès, apparences et peines de coeur. La génération « Nappy » (no happy) comme l’a surnommé le réalisateur Danakil dans son docufiction du même nom, contraction de Neuilly-Auteuil-Passy ou de « no happy », qui traîne son spleen entre deux rails de coke, de flambe de carte bleue et de dance-floor branché… Thibault de Montaigu faisait d’ailleurs une apparition dans ce DVD en lisant un extrait de son roman dans une baignoire. Cette jeunesse qui a tout pour être heureuse et pourtant… En cette rentrée littéraire 2007, cet auteur, qualifié de « hussard » par la presse, revient avec un nouvel opus où il tente de s’écarter de son milieu tout en racontant de nouveau une histoire d’amour contrariée, qui se veut « Fitzgeraldienne ». Cette fois ses personnages ont grandi et doivent dire adieu à leur jeunesse pour entrer de plain pied dans l’âge de la maturité, le temps d’un week-end à Deauville…

« L’amoureux en lambeaux » : Les « fragments du discours amoureux » de Jérôme Attal migrent du blog au roman

Jérôme Attal, trentenaire, ancien étudiant en lettres modernes, cinéma et histoire de l’art (!), écume depuis 99 les salles et compte déjà plus de deux albums à son actif, qui cultivent tous deux son spleen romantique que les critiques ont qualifié tour à tour de « gainsbourien » ou de « nouveau Jacques Dutronc »… Il est aussi le parolier de quelques grands noms de la chanson française (Arthur H, Jane Birkin, Johnny Hallyday…). C’est l’éternel « jeune homme chic (voire branché) », le « dandy » élégant et sensible qui tombe amoureux d’une jolie épaule ou d’un battement de cil dans chaque café ou au détour de chaque rue (rive gauche ou Neuilly), « Doinelien-Léaudien » pour reprendre son expression. Regard flou et mélancolique, tout en en aphorismes et joutes verbales, il joue a fond son personnage de « gentleman (song)writer » qui séduit depuis plusieurs années un public assidu et les médias qui lui consacrent ponctuellement un portrait, une interview ou une chronique…

De la rupture de Gabriel Matzneff, Hommage à la « rupture féconde »

« De la rupture » de Gabriel Matzneff fait partie du volet des essais de l’auteur (qui en a écrit une petite douzaine, dont le très controversé « Les moins de 16 ans »). Publié en 1997, il aborde comme son nom l’indique le thème de la rupture au sens large, amoureuse principalement bien sûr mais aussi amicale, « matérielle » (aux objets, aux lieux) ou encore aux changement de vie (un goinfre se met à la diététique, un mondain entre dans les ordres…) jusqu’à la plus grande rupture, celle de la mort.

« Les cimetières sont des champs de fleurs » de Yann Moix, Requiem pour les femmes adorées et honnies…

« Les cimetières sont des champs de fleurs » de Yann Moix, suit son premier éclatant roman « Jubilations vers le ciel » (qui est aussi le titre de son dernier chapitre et tisse ainsi la filiation avec le premier en vue de sa trilogie sur l’amour fou qui s’achèvera avec son troisième roman « Anissa Corto »), prix Goncourt du premier roman. Alors âgé de 29 ans, il confirme son talent lyrique et sa verve littéraire

« Les amants du Spoutnik » d’Haruki Murakami, La possibilité d’une (autre) île

> »Les amants du Spoutnik » d’Haruki Murakami, dixième roman du prolifique auteur japonais, publié en 1999 en France, nous entraîne une fois de plus dans les contrées troubles de l’amour, de la solitude et du désir, mâtinées de cette étrangeté qui lui est propre et fait tout son style.

« Le goût des femmes laides » de Richard Millet (extraits choisis)

Publié à la rentrée littéraire 2005 par Richard Millet, par ailleurs membre du comité de lecture de Gallimard et entre autres éditeur des « Bienveillantes », « Le goût des femmes laides », contrairement à ce que son titre pourrait laisser penser, est au contraire un plaidoyer, aux accents misogynes, en faveur de la beauté féminine conformément à tous les diktats en vigueur (jeunisme, poitrine proéminente, douceur et bien sûr minceur parfaite). Il est vrai que « Le goût des femmes belles et jeunes » aurait sans doute été un titre moins percutant et vendeur. Sous couvert d’apitoyer par la soi-disante laideur de son narrateur, le livre est surtout prétexte à présenter ses grandes théories bouffies d’orgueil, de certitudes, de préjugés et de discriminations en pagaille. Conservateur, régionaliste (la Corrèze dont est originaire l’auteur est présenté comme un paradis idyllique à longueur de pages), il cumule ainsi tous les traits détestables de cette France profonde qui regrette sans cesse le temps d’avant où tout était tellement mieux et qui considère la femme avant tout comme un joli objet à regarder (et à sauter quand cela est possible)…

« Jubilations vers le ciel » de Yann Moix, Septième ciel apocalyptique

On pourrait dire qu’avec « Jubilations vers le ciel », paru en 1996 (et vendu depuis à plus de 15 000 exemplaires), le jeune Yann Moix âgé de 29 ans, fait ses premières gammes tel un cheval fou lancé dans la prairie des lettres et des métaphores grandiloquentes ! Il se prépare pour ce qui sera son chef d’oeuvre (Anissa Corto, 1997) et qui clôturera sa triologie sur l’amour fou (et impossible) composé en outre de « Les cimetières sont des champs de fleur » (2000). Une trilogie dont la bande son pourrait être « Love me » de Michel Polnareff, un titre qu’il cite de roman en roman d’ailleurs. Bien que le roman ait obtenu le prix Goncourt du premier roman, ce n’est pas le plus réussi même s’il contient déjà en effet les grands thèmes que l’auteur développera et affinera par la suite : la cristallisation amoureuse, les sentiments extrêmes ou encore l’idéalisation de l’enfance. Son style émotif à la sensibilité fiévreuse et précieuse, où l’audace et les références littéraires abondent, attire les connaisseurs et s’impose. Il obtiendra également la bourse Lagardère (Fondation Hachette) qui lui permettra d’écrire son deuxième « Les cimetières sont des champs de fleurs » :

« Vieilles peaux » d’Anna Rozen : Arsenic et vieilles dentelles…

Anna Rozen, l’auteur sensuelle et épicurienne de « Plaisir d’offrir, joie de recevoir » ou encore de « Méfie-toi des fruits », aurait-elle peur de vieillir et du spectre de la mort ? Ce nouvel opus, composé de trois amples nouvelles, pourrait bien lui servir à exorciser ses angoisses. Quoi de mieux en effet que de se projeter, avec l’ironie malicieuse dont elle a le secret, pour éradiquer ! La romancière âgée de 47 ans explore ici à sa manière l’archétype de « la femme mûre » sautillante, égocentrique, anxieuse ou résignée et termine sur un exercice de style non sans rappeler le récent Microfictions de Régis Jauffret. Des variations inégales mais savoureuses qui ne manquent pas de mordant !

« Neiges artificielles » de Florian Zeller, Que devient la blancheur quand la neige a fondu ?

C’est avec ce court et premier roman que Florian Zeller, figure désormais majeure de la littérature nouvelle génération française, a fait son entrée dans le monde des lettres. Un roman frais, pétillant mais qui révèle aussi derrière sa désinvolture de jeune-homme insouciant, une nostalgie, une fêlure inguérissable :celle de devenir adulte. Car c’est bien ce qui hante le jeune auteur (et que l’on retrouve comme fil conducteur tout au long de son oeuvre de façon plus ou moins marquée) : ce passage inéluctable à l’âge adulte et son cortège de désillusions sur un monde qui ne sait tenir aucune des promesses de l’enfance. Avec humour et poésie, le jeune-homme, alors âgé de 22 ans, à peine sorti de ses études de science-po, signe ici une première oeuvre plaisante, au charme léger et émouvant, pour laquelle il a reçu le prix de la fondation Hachette. Sous le signe de Shakespeare dont la phrase « que devient la blancheur quand la neige a fondu ? » a été le déclic de son inspiration…

« Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil » d’Haruki Murakami, Education sentimentale dans le Japon pop-rock

Roman miroir de « Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil » d’Haruki Murakami, roman miroir de La ballade de l’impossible, publié au Japon en 1992, est une sublime palette de toutes les couleurs que peuvent prendre l’amour et le désir dans la vie d’un homme. Le titre du roman formé de deux points cardinaux inconciliables illustre tout le dilemme auquel est confronté le héros : Le sud de la frontière (tiré d’une chanson de Nat King Cole), c’est le rêve, le possible, le lieu imaginé.