Top 10 de mes livres qui font du bien et énergisants !

Livres qui font du bien, livres qui rendent heureux, remontent le moral ou encore qui aident à mieux vivre, ou redonnent le goût de vivre, livres qui changent la vie… : les recherches les plus populaires sur les moteurs du web montrent que la tendance des livres feel good comme les appellent les anglo-saxons ou livres anti-déprime, roman doudou ont toujours la cote ! Récemment le critique Alexandre Gefen publiait « Réparer le monde » un essai sur les vertus réparatrices et même thérapeuthiques de la littérature, s’attirant au passage les piques des littérateurs chafouins qui considèrent que ce n’est pas la fonction des livres que de nous « soigner » ou « guérir » nos maux !

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Pourtant les anthologies sur le thème fleurissent tels 100 romans de première urgence ou Ces mots qui nous consolent, « Remèdes littéraire, se soigner par les livres« , « Ces livres qui nous font du bien : Invitation à la bibliothérapie » et autres recueil de maximes de sagesse existentielle ! On appelle cela la bibliothérapie : un roman de 2016 a même choisi de camper son intrigue dans cet univers (Aux petits mots, les grands remèdes de Michael Uras), avec une reco/blurb d’Amélie Nothomb sur la couverture… C’est un vrai filon marketing d’édition qui ne tarit pas !

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Les livres ont-ils une mission consolatrice ?


Nina Bouraoui, déclarait, quant à elle récemment dans une interview à la librairie Mollat, au sujet de son roman « Beaux rivages » que « la littérature avait parfois la mission de sauver les âmes en peine » ou les « coeurs brisés » comme elle le réitérait dans la Grande librairie.
Elle confiait avoir « beaucoup de tendresse pour les êtres qui chutent et qui mettent en place un système de défense et de résistance qui comprend la musique, les films et la littérature. Quand on souffre, on cherche toujours une chanson, un livre, un film qui habitera votre solitude et qui vous sauvera. » Déjà Montesquieu en 1726 déclarait : « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé ».

[Mon esprit] Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
Va te purifier dans l’air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides. (Baudelaire)

J’ai tendance à partager cette vision que les livres, la fiction au sens large, possède ce pouvoir de nous apaiser, nous réconforter mais aussi nous insuffler une nouvelle énergie, liberté en faisant évoluer notre regard sur notre entourage, notre vie, en nous élevant au dessus du marasme par une saine prise de distance (cf. le poème Élévation de Baudelaire, un favori que j’aurais pu ajouter à la liste car lire un poème des fleurs du mal est un bon antidote au spleen !, exprime bien cette idée – cf petit extrait ci-dessus) et nous aide ainsi à travailler sur nous-même.

Je crois plus précisément aux « livres amis » qui font écho à notre sensibilité, à nos problématiques qu’elles soient professionnelles ou affectives, et nous font nous sentir moins seuls en osant aborder des sujets ou des ressentis souvent tus ou tabous (J’aime l’approche de Cioran qui disait : « On ne devrait écrire des livres que pour y dire des choses qu’on n’oserait confier à personne« ). Les bienfaits sont multiples même si les livres ne font bien sûr pas le boulot à notre place ! Je les vois comme des guides, des déclencheurs, des révélateurs qui vont chacun à leur façon, lecture après lecture, nous aider à mieux nous comprendre ainsi que notre environnement et faire nos choix via ce salutaire mécanisme de transposition et d’identification. J’ai l’impression qu’on cherche toujours un peu des réponses au fil de nos lectures, à des questions qui peuvent même nous rester obscures.

Et puis enfin, ces livres nous nourrissent bien sûr. Si on lit mal ou insuffisamment, il y a un dépérissement, un vide intérieurs et inversement on se sent heureux, « renforcé » lorsque ce qu’on lit est « bon » (pour nous du moins). Ce qu’on lit influe directement notre être. Oui, bien lire est aussi important que bien manger !

Nous avons l’Art pour ne point mourir de la Vérité (Nietszche)

Nous vivons dans une société droguée de fiction et ne survivons finalement que grâce à ces univers parallèles qui dopent artificiellement la platitude routinière de nos existences, nous donnent l’occasion de nous échapper d’une réalité parfois trop morose (on se rappelle de la grève des scénaristes à Hollywood et la panique créée, démontrant -s’il en était encore besoin- que la nourriture fictionnelle comptait bel et bien comme besoin primaire à inclure à la pyramide de Maslow !), et surtout donnent -un semblant- de sens à nos vies et au chaos. L’humain n’est après tout, depuis la nuit des temps, rien d’autre qu’un animal à histoires pour reprendre le titre de l’ouvrage de Jonathan Gottschall (« The storytelling animal ») que je vous conseille aussi au passage. Les histoires sont finalement la sève de l’humanité et sa grande singularité.

Ce qui compte, ce n’est pas ce qui arrive, c’est ce qu’on fait de ce qui arrive (A.Ernaux, Mémoire de fille)

Tout est foutu, tout ira bien

Mais tout le problème est de savoir sur quelles histoires s’appuyer plus particulièrement en cas de coup de mou ? Vision très personnelle et subjective et forcément biaisée, je ne vais pas vous livrer ici le palmarès des meilleures ventes des librairies à base de livres officiellement estampillés « feel good ». Avec leurs couvertures acidulées et féminines, ces récits mettent en avant des valeurs positives comme la tendresse, la générosité, la solidarité (souvent inter-générationnelle), des personnages dits attachants, le tout saupoudré de notes d’humour et d’une petite leçon de morale gentille, ce que les mauvaises langues de mon espèce appelleront les « bons sentiments » et malheureusement souvent clichés, le tout dans un style dont la pauvreté a plus tendance à me déprimer qu’autre chose…

Parmi les reines du genre en France citons Katherine Pancol et Anna Gavalda avec l’emblématique Ensemble c’est tout qui avait adoubé un autre du genre, autre grand succès d’origine britannique Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates roman épistolaire (qui rappelle le succès vintage de 1970, Charing Cross Road), relayé depuis par La bibliothèque des coeurs cabossés dans le même style côté suédois (le filon semble inépuisable et on continue de voir fleurir des jumeaux tout aussi populaires telle « La petite librairie des coeurs brisés » d’Annie Darling : on prend les mêmes et on recommence ?!). Dans la même famille, on trouve encore d’autres best-sellers français tels Mémé dans les orties de l’auto-publiée Aurélie Valognes ou encore La liste de mes envies de Grégoire Delacourt, L’élégance du hérisson de Muriel Barbery. Le thème du vieil aigri râleur qui à travers ses rencontres retrouve goût à la vie est aussi devenu un classique comme le met en scène notamment le best seller La vie selon Ove du suédois Backman. Des lectures plébiscitées pour leur capacité à « mettre du baume au coeur ».

Les romans de reconstruction (j’en recherche d’ailleurs de bien écrit si vous avez des recommandations !) ont aussi le vent en poupe comme en témoigne le succès international de Les gens heureux lisent et boivent du café d’Agnès Martin-Lugand, autre auto-publiée. Dans un autre genre apparenté, se situent les romans qui flirtent avec le développement personnel avec comme « ancêtre » L’alchimiste de Paulo Cohelo, Le monde de Sophie ou Femmes qui courent avec les loups et comme plus récents succès l’américain Mange, prie, aime ou côté français, Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une de Raphaelle Giordano et Le Premier jour du reste de ma vie de Virginie Grimaldi (ne pas se mélanger entre les 2 titres quasiment interchangeables !).

Les mots clé de « résilience », « leçon de vie et d’espoir » sont récurrents pour les dépeindre, comment le récent La meilleure façon de marcher est celle du flamand rose de la journaliste Diane Ducret qui y relate son parcours de vie accidenté que Christine Angot décryptait sur un ton consterné le packaging marketing comme typique du mouvement « feel good » selon elle (voir la séquence ici à partir de 5.53 mn).

Et puis enfin bien sûr le rire, on veut s’amuser avec des univers et des personnages farfelus, loufoques, décalés. Ainsi la série Wilt de Tom Sharpe, en effet plutôt réussie, reste un indétrônable des listes de livres qui remontent le moral. Barbara Constantine ou Gilles Legardiner sont aussi très souvent cités. On pourrait y rajouter Pennac, Lodge ou même Foenkinos. Le premier roman L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa d’un parfait inconnu Romain Puertolas, succès surprise et inattendu de 2013 récemment adapté au ciné, s’affirme aussi désormais en bonne place dans les palmarès des romans bonne humeur.

De mon côté, mon credo (voir ci-dessous) rejoint celui de Michel Houellebecq (qui lui chérit Schopenhauer, découvert avec ses Aphorismes sur la sagesse dans la vie et à qui il a consacré un essai, certes pas de la fiction mais on ne va pas chipoter !), qui n’est sans doute pas le plus répandu, en particulier chez les femmes nous dit l’écrivain misogyne (suis-je vraiment l’exception qui confirme la règle ?!). Je crois plutôt que cette préférence est générale : le public, tous sexes confondus, préfère des livres positifs et/ou drôles :

«Souvent, les femmes ont du mal à accepter la négation pure, et le fait qu’il y ait de plus en plus de lectrices crée une pression sournoise en faveur de la positivité. Des femmes plutôt désolées me demandent souvent : « Vous trouvez que la vie est si décevante que ça ? » Je suis bien obligée de répondre oui, je n’aime pas la vie, je n’aime pas la manière dont c’est organisé. Mais je ne peux qu’être désolé. Le reproche le plus profond que les femmes font à mes livres, c’est de délivrer un discours totalement désespéré, et je ne peux rien objecter, je ne peux même pas promettre que ça va s’arranger dans les livre suivants. Le fait qu’une lecture désespérante soit profondément revigorante, c’est un argument que les femmes arrivent parfois à entendre mais pas toujours, parfois elles veulent un truc plus simple. »

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Ma sélection (atypique probablement…) tourne donc beaucoup autour de cette fameuse « énergie du désespoir » qui m’a toujours fascinée et qu’en bonne stoïciste je trouve particulièrement stimulante :-), ou tout simplement ce goût « doux-amer ». Ce top 10 compte en réalité 13 livres, donc vous gagnez 3 livres en bonus :-). Ils figurent par paire, en complément, aux côtés d’un livre proche sur le plan thématique.

1. GERMINAL D’EMILE ZOLA (oui, oui, vous avez bien lu !)
Aussi surprenant que cela puisse paraître, le chef d’oeuvre souvent qualifié de « plombant » (et ce que j’avais ainsi longtemps cru à tort) du maître réaliste, planté dans le milieu sombre, misérable et désespérant des mines du XIXe siècle m’a insufflé énergie et force intérieure, et COURAGE! alors que j’occupais à l’époque un travail alimentaire rébarbatif et déprimant et traversais des épreuves familiales éprouvantes.
Je me souviens de plonger, chaque matin en prenant le métro, dans les profondeurs ténébreuses souterraines du Voreux et de ramper dans ses boyaux infernaux dont on se demande toujours si on va ressortir vivant à la fin de la journée. Je vivais ainsi le temps de mon trajet au rythme des mineurs, grelottant dans le froid aux aurores avec eux, ressentant les crampes de faim lorsqu’on a pour tout déjeuner qu’un maigre « briquet », me baignant dans leur baquet bouillant et crasseux, partageant leur cuisine empestant l’oignon. Il y a eu une sensation d’écrasement de cette routine intense et extrême où le moindre petit repos, soulagement, gorgée de café chaud, geste de solidarité humaine devient inestimable. On se sent sonné et dépassé par les éléments et par cette machine infernale de la mine qui finalement conduit à un lâcher-prise. Je crois que l’effet produit est du même ordre que ces camps de redressement extrêmes où sont envoyés les ados à problème. Vous oubliez tous soucis, vous relativisez tout, parce que votre corps est trop occupé à lutter pour sa survie, à rester debout. Bon ici bien sûr tout se vit par procuration mais vous savez à quel point la (bonne) littérature est capable de faire confondre au cerveau fiction et réalité. Et dans le cas de l’écriture virtuose de Zola qui vous immerge totalement et vous fait ressentir la moindre sensation, autant dire qu’on s’y croirait ! Une scène quasiment épique m’a particulièrement marquée, il s’agit de la scène d’échappée de la mine bloquée par les grévistes et où Catherine doit gravir une échelle interminable à s’y arracher les mains, échappant de justesse à l’engouffrement. La même impression, en plus atténuée, m’avait saisie en lisant Au bonheur des Dames alors qu’on suit les journées éreintantes de Denise la jeune apprentie vendeuse qui doit se battre pour subvenir à ses besoins et ceux de ses jeunes frères, toujours à deux doigts d’être à la rue. Les personnages de Zola, hommes et femmes, sont des résilients et battants hors norme, quasiment herculéens et c’est communicatif !

2. LES TRIBULATIONS D’UN PRECAIRE D’IAN LEVINSON
Je me souviens d’avoir lu ce livre avec une certaine jubilation et qu’il m’avait réchauffé le coeur tout en provoquant pas mal de sourires voire d’éclats de rire (fait rare en ce qui me concerne). Allergiques aux cynisme, second degré et humour noir s’abstenir ! Le propos n’a rien de folichon puisque comme son titre l’indique on y parle de difficultés professionnelles, d’exploitation et de précarité. L’auteur raconte ses galères tragicomiques mais aussi comment il s’arrange lui-aussi avec la réalité pour compenser l’injustice sociale subie. Son analyse implacable du système est hilarante, avec son art de l’anecdote et du détail qui tue, même si elle fait aussi froid dans le dos. Outre l’empathie au personnage qui fait preuve aussi ici d’une force de caractère inspirante (le récit de son travail de forcené sur les bâteaux de pêche en Alaska achève de vous terrasser !), on ne peut aussi que se rendre compte davantage, si besoin était de notre chance de vivre en France, pays de la protection sociale !

3. QUAND LE DIABLE SORTIT DE LA SALLE DE BAINS DE SOPHIE DIVRY
Cette autofiction décalée se situe dans la lignée des tribulations ci-dessus mais fait intéressant et rare, nous donne un point de vue féminin pour changer. On suit ici les déboires d’une écrivain en galère qui tente de concilier ses ambitions artistiques avec les nécessités alimentaires, avec beaucoup d’honnêteté, d’autodérision et un discours sain sur la conciliation de ses aspirations littéraires avec un emploi alimentaire. Face à l’adveristé économique mais aussi affective, elle développe un ensemble de petites stratégies pour tenter de garder le moral et ne pas sombrer dans la morosité voire la dépression. La scène où elle fait parler ses objets ménagers qui craignent d’être vendus sur Leboncoin pour payer ses dettes est un exemple sympathique de sa fantaisie communicative. Une grande inventivité baigne de façon générale cet ouvrage qui traite encore une fois de comment on se maintient debout quand on est au fond du gouffre, sans optmisime niais. Bonus : il n’y a pas de prince charmant à la fin qui vient la « sauver » et elle s’en sort toute seule comme une grande et avec panache face aux abus de son collègue de travail.

4. DE L’INCONVENIENT D’ETRE NE DE CIORAN
Rien que le titre annonce déjà tout un programme ! En feuilletant de nouveau le livre et en picorant au fil des pages ces pensées et maximes égrenées par ce sage nihiliste du XXe siècle franco-roumain, j’ai retrouvé sur mes lèvres ce sourire amusé qui ne m’avait pas quitté à la 1e lecture. Beaucoup de ces aphorismes, inspirées de Shopenhauer, mériteraient d’être gardés à portée de main/de vue au quotidien pour nous protéger des vanités, de nos illusions ou de l’importance vaine accordée à ce qui ne devrait pas en avoir et qui nous épargnerait un éparpillement et une agitation chronophages et épuisantes. Avec ces mantras salvateurs et regénérants, cet ouvrage nous aide à nous recentrer sur l’essentiel et surtout relativiser lorsqu’on se trouve « assiégés » par autrui !

5. COMMENT CUISINER SON MARI A L’AFRICAINE DE CALIXTHE BEYALA ET KITCHEN DE BANANA YOSHIMOTO
Je recommande plus particulièrement le roman de Beyala aux coeurs brisés (qui mériteraient probablement une liste pour eux tout seuls !). La plume truculente de la franco-camerounaise est déjà en elle-même plutôt réjouissante avec ses métaphores et son imagerie hautes en couleur et souvent inattendues. Elle fait surgir le Paris exotique et bigarré de Belleville à Barbès où l’on croise des âmes en détresse venus chercher réconfort et belles promesses auprès des marabouts charlatans. On suit plus précisément les déboires d’une jeune parisiano-camerounaise dans son immeuble pittoresque et des stratagèmes culinaires pour séduire son voisin, coureur et fils à maman. Elle livre aussi au passage sa vision de la femme africaine et européenne, ses réflexions sur les relations hommes-femme ou encore de la solitude urbaine. Outre l’humour du récit et le caractère bien trempé de l’héroine, on se laisse enivrer par ses senteurs et saveurs appétissantes complétées de recettes extraordinaires. Comme le disait Oscar Wilde, rien ne guérit mieux l’âme que les sens et vice versa ! On se sent bien dans l’appartement un peu miteux mais chaleureux de cette apprentie-sorcière qui ne manque pas de nous envoûter avec ses chaudrons. Toujours autour du thème de la cuisine nourricière et apaisante, le roman Kitchen, comme son nom l’indique nous transporte aussi dans une atmosphère onirique et ensorcelante.

6. LE LIVRE DE JOE DE JONATHAN TROPPER
Ce roman (à succès) d’un auteur américain alors trentenaire à l’époque (2005) est loin d’être un chef d’oeuvre de littérature et ce n’est donc pas pour son style un peu « stéréotypé » creative writing que je l’ai retenu ici (auquel je suis d’habitude assez allergique en général !). Mais je me souviens avoir passé malgré tout un très bon moment en sa compagnie. Ce roman générationnel met en scène un trentenaire à un moment charnière de sa vie, sorte de crise de la trentaine, où il remet en question sa vie actuelle et se retourne sur sa jeunesse (à l’occasion d’un retour inopiné dans sa petite ville natale à l’occasion de l’hospitalisation de son père) ainsi que ses liens familiaux. C’est donc un roman d’introspection doux-amer et de nouveau départ qui est toujours assez dynamisant, mais aussi un roman où flotte une douce nostalgie sur un âge d’insouciance perdu, où on se demande aussi comment rattraper sa jeunesse envolée (même si à la trentaine on reste encore avec une bonne part de sa vie devant soi !). Tropper est doué pour nous plonger dans les souvenirs de son personnage, pour nous faire ressentir sa perte de repères et sa quête de reconstruction et de sens. Le tout saupoudré d’humour et d’auto-dérision.
Tropper assume d’ailleurs bien le rôle « feel good » de son livre en expliquant dans une interview qu’il avait voulu que la morale de son histoire soit de montrer au lecteur « qu’il n’ait jamais trop tard pour faire évoluer sa vie positivement ». Aussi mièvre que cela puisse paraître, j’avoue que j’adhère totalement à cette vision hautement réconfortante ! 🙂 Ce personnage adulescent qui sort d’une rupture et incertain quant à ses choix de vie rappelle aussi les personnages d’High Fidelity et du Chameau sauvage ci-dessous cités. On pense aussi un peu à Douglas Kennedy, pour le style d’écriture et le côté page turner, ainsi aussi que le personnage un peu décalé par rapport à la société.

7. LE JOURNAL D’ANAIS NIN « INCESTE »
La lecture de journaux ou de correspondance (celle de jeunesse de Zola à Baille et Cézanne notamment est un autre de mes favoris) est souvent revigorante par le partage en direct de l’expérience de vie de l’auteur, de ses épreuves et luttes pour affronter l’adversité. L’identification en est d’autant plus forte. Et puis voir que de grandes personnalités ont comme le commun leurs moments de doute et d’atermoiements a aussi quelque chose de réconfortant ! Le journal d’Anais Nin est à ce titre particulièrement marquant et inspirant alors qu’elle y relate une des périodes clé de sa vie, peut-être une des plus riches et intenses alors qu’elle se lance en littérature et dans l’auto-édition (ses réflexions sur la création littéraire sont ainsi passionnants). Sa personnalité , enjouée et infatigable y fait beaucoup. Douée d’une créativité « phosphorescente » et formidable appétit de vie ainsi que d’une curiosité intellectuelle insatiable et passionnée (et ne saurait être réduite à l’aspect strictement érotique comme on l’entend tristement trop souvent du côté des « juges » masculins), elle ne se laisse non seulement rarement abattre mais ne cesse de motiver, d’encourager et de tirer vers le haut son entourage à commencer par Henry Miller qui lui doit beaucoup sur tous les plans. Note additionnelle : ce dernier dont j’avoue être devenue allergique à son sexisme me réjouit toutefois dans son détachement matériel et sa vie bohème même si dans son cas l’égoïsme est aussi rédhibitoire malheureusement: « Je n’ai pas d’argent, pas de ressources et aucun espoir. Je suis l’homme le plus heureux. »

Il faut sortir de cette fange les poings nus ! (J.R Huguenin)

8. LE JOURNAL DE JEAN-RENE HUGUENIN
Ce journal fait partie des ouvrages souvent recommandés aux aspirants écrivains en quête d’inspiration et de motivation. Huguenin, jeune auteur disparu tragiquement à seulement 26 ans dans un accident de route en 1962, a depuis été élevé au rang de figure mythique un peu underground et d’icône, même s’il ne compte qu’à son actif que ce journal et un premier roman La côte sauvage. Ce journal m’a frappé avant tout par la détermination qui habite chacune de ses pages. Huguenin était un forcené de travail, très exigeant envers lui-même, à la volonté indéboulonnable. C’est aussi une personnalité attachante, émouvante encore au seuil de l’âge adulte (il est encore étudiant à Science po au début du journal qui court des années 1955 à 1962). C’est toute une vie humaine palpitante en mouvement condensée dans ces jeunes années : des moments d’abattement, de colère contre une famille qui ne le comprend pas toujours et l’étouffe oarfois, au poids de la solitude mais aussi et surtout ses regains d’énergie, d’élans vers la vie, l’écriture, les amitiés, l’amour enfin, les emballements, les embrasements, les projets plein la tête, la vie débordante devant soi… Au delà du passionnant suivi de l’élaboration de son roman et de ses réflexions sur l’écriture, on savourera aussi ses analyses très fines sur les rapports humains, les choix de vie, la fidélité à ses rêves et aspirations, ne pas succomber à la « médiocrité », le tout servi par un style à la fois vif et très poétique d’une grande profondeur pour saisir aussi bien ses sentiments, sensations, les paysages, le ciel, capturer les détails et le merveilleux de la vie malgré ses aspérités. Un être intense, entier, complexe, en ébullition qui se cherche, se construit, à la poursuite du bonheur, de la liberté, et de sa vocation, passionnant, fascinant à observer, à découvrir et qui nous renvoie à nos propres quêtes, conflits, doutes et surtout ici encore prodigue une formidable force de vie rafraîchissante et énergisante d’autant plus si vous aimez cette période bouillonnante des années d’après guerre 50-60.
Quelques phrases à emporter : « Je ne savais pas que tout se passait dans mon coeur » ; « Quelque chose de dangereux : la honte d’avoir honte », « Une âme riche est une âme affamée »

9. HAUTE FIDELITE DE NICK HORNBY ET LE CHAMEAU SAUVAGE DE PHILIPPE JAENADA
Robb Flemming et Halvard Sanz sont deux figures de l’adulescent trentenaire célibataire/fraîchement largué, cousins de la Génération X. Le premier se retrouve à un moment charnière de sa vie, l’occasion de faire un bilan de sa vie sentimentale et dans une moindre mesure pro. Le second vit davantage au jour le jour sans trop s’inquiéter de son avenir même si ça ne l’empêche pas de cogiter sur tous les petits détails d’une façon burlesque très cocasse ! Il fait confiance au destin, notamment pour trouver l’amour. Dans les deux cas, on a deux personnages, touchants, sensibles, décalés, doux rêveurs, encore empreints d’une certaine innocence et d’une fantaisie presque enfantine parfois qui développent une philosophie de vie basée sur l’auto-dérision et un certain détachement/relativisation aux choses matérielles certes mais aussi aux conventions sociales en général. Il y a une saine liberté et légèreté ludique qui les habitent et ne peuvent que (re)donner le sourire, à la lecture de leurs réflexions diverses et variées sur les choix de vie, de carrière, de rencontre amicale et amoureuse, les rapports familiaux, la chance dans la vie, etc. Ils nous apprennent à s’échapper un peu du cadre et à faire confiance à nos instincts, à rester fidèle à nos rêves, nos idéaux, à notre jeunesse aussi. Tous deux flottent dans leur vie et même si cette incertitude peut faire peur, elle est aussi glavanisante comme ils le prouvent car tout (re)devient possible et permis ; la route vers le bonheur peut emprunter des chemins très variés aux multiples détours. Enfin, ces deux personnages -pas si loosers finalement- nous dévoilent, confient presque, leurs doutes, leurs failles et sont ainis profondément réconfortants en particulier à l’heure des réseaux sociaux et de l’exposition constante à des vies -en apparence- parfaites qui en deviennent complexantes !

10. LE COEUR REGULIER D’OLIVIER ADAM ET CONTINUER DE LAURENT MAUVIGNIER
Le très beau titre d’Olivier Adam, Le coeur régulier, constitue déjà en lui-même un bel appel à la sérénité. Il s’agit comme il a pu l’expliquer en interview de retrouver son calme intérieur symbolisé par un pouls tranquille, à travers une histoire de reconstruction, de quête de soi. On suit cette fois un personnage féminin qui sonne relativement juste à quelques clichés près (cf : scène homo érotique dans la piscine). Le catalyseur en sera le suicide de son frère qui la conduira à remettre en question ses choix de vie, en particulier professionnels mais aussi sa relation déteriorée à sa famille, mari et ados et leur vie bourgeoise froide et aseptisée. Face à cette tragédie, elle choisit la fuite au Japon sur les pas de son frère, pays du zen mais aussi du stress intense. Et c’est là où le roman est probablement le plus réussi dans son évocation de l’atmosphère nippone, à la fois mystique et poétique, ainsi que la description du refugé où se réparent les âmes brisées recueillies par un mystérieux ange gardien qui les sauvent du suicide en bors de falaise. Privée de ses repères, repartant de zéro, l’héroïne accomplit une sorte de voyage initiatique qui lui permettra de faire le point sur son vécu, renouer avec les siens et faire son deuil, le tout sans pathos. On regrettera juste que l’histoire soit alourdie des leçons de morale anti-capitalistes tendance populiste simpliste d’Adam. Dans la même veine, Mauvignier nous dépeint la lutte d’une mère pour sauver son fils ado de ses démons et de la mauvaise pente sur laquelle il s’égare, en s’évadant également vers d’autres horizons : les montagnes arides d’Asie centrale. Un autre dépaysement riche en apprentissages, découvertes de l’autre et de valeurs humanistes pour sortir de soi, relativiser et trouver son équilibre, mais également restaurer les liens familiaux.

Sélection établie par Alexandra Galakof

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