Romans dystopies, satire et thrillers

Romans dystopie, anticipation ou thriller psychologique : le meilleur des romans qui anticipent les évolutions de nos sociétés et/ou dénoncent ses dérives : du consumérisme extrême à la désintégration familiale en passant par le totalitarisme, l’idiotie moderne et postmoderne, les manipulations marketing, les nouvelles technologies ou l'aliénation bureaucratique...

Le démon d’Hubert Selby Jr, Harry un ami qui vous veut du mal… malgré lui

Le démon d’Hubert Selby Jr, publié en 1976, ce troisième roman (après Last Exit to Brooklyn et La Geôle) de l’écrivain culte de la génération beat américaine, est souvent considéré comme son chef d’œuvre absolu. Bien différent de l’univers sordide habituel de ses écrits, il a choisi dans ce roman de mettre en scène un jeune yuppie, un jeune cadre dynamique, dont seul le prénom résonne comme un signe de mauvaise augure, Harry (prénom que l’auteur reprend systématiquement de roman en roman pour incarner son héros souvent condamné d’avance…

Sang et stupre au lycée de Kathy Acker, le conte cauchemardesque et punk d’une adolescente damnée

Kathy Acker connaît le succès avec la publication de « Sang et stupre au lycée » dans les années 80. Cette avant-gardiste disjonctée new-yorkaise des années 70, aujourd’hui étudiée par les universités anglo-saxonnes qui en font l’emblème de la radicalité, revendiquait l’héritage de Kerouac ou de Burroughs, et comme eux subit controverse et censure. Représentante de la seconde vague de la Beat generation, cette féministe acharnée morte en 1997 (année de la mort de ses maîtres Allen Ginsberg et William S. Burroughs) à Tijuana (elle n’a pas eu droit aux hôpitaux gratuits), est l’auteur d’une oeuvre subversive voire osbcène, novatrice tant sur le fond que sur la forme.
Dans « Sang et stupre au lycée », un ovni graphique et littéraire, elle confesse ce terrible constat qui résume en quelque sorte son oeuvre : « Les écrivains créent ce qu’ils créent à partir de leur souffrance pleine d’effroi, de leur sang, de leurs tripes en bouillie, du magma horrible de leurs entrailles. Plus ils sont en contact avec leurs entrailles, plus ils créent. (…) La vie d’un écrivain est horrible et solitaire. Les écrivains sont bizarres alors gardez vos distances. »

« Choke » de Chuck Palahniuk, Odyssée initiatique et métaphysique d’un sex-addict en quête de rédemption…

« Choke » de Chuck Palahniuk: ce troisième roman du maître des « fables acides à l’imagination débridée », nous plonge dans un univers bien différent de celui de Fight Club. Pourtant on se sent immédiatement en territoire « palahniukien ». On retrouve ici un duo presque fraternel d’anti-héros, unis dans leur folie respective, tentant de lutter contre leurs démons communs : la sex-addiction (la dépendance sexuelle en français).

« Miso soup » de Murukami Ryû: un « Tokyo psycho » fascinant et haletant

>« Miso soup » de Murukami Ryû, idéal pour quelques sueurs froides… Sous un titre à la fois mystérieux et trivial « Miso soup » (dont la signification symbolique s’éclaircit seulement dans les dernières pages), se révèle presqu’aussi puissant qu’American psycho de Bret Easton Ellis. L’auteur japonais partage en effet avec l’américain de nombreuses obsessions et un univers communs, même s’il cultive chacun un style bien différent. Paru 6 ans après (en 1988 et préalablement publié sous la forme d’un feuilleton littéraire dans un journal), récompensé par le prix Yomiuri, ce sixième livre de Murakami nous plonge au coeur du célèbre quartier rose de Tokyo, Kabukicho, où nous suivons Kenji, jeune japonais de 20 ans, qui occupe la curieuse fonction de « guide en tourisme sexuel ».

« Classe affaires » de Benjamin Berton : Petites vacances sadiques entre jeunes cadres dynamiques

La littérature « de bureau » met souvent en scène le malaise des cadres sur leurs lieux de travail. La première orgininalité de ce deuxième roman de Benjamin Berton (jeune auteur lauréat du Goncourt du Premier Roman pour « Sauveagons » centré sur la vie des adolescents dans les cités du Nord de la France) publié en 2001 est de nous les montrer pendant leurs congés (ce qui « maintient tout le monde en vie » et fait « tenir trois mois à un rythme inconcevable en abdiquant toute espèce de dignité »…). Une sorte de version haute gamme et cruelle des « Bronzés » sur fond de Riviera avec pour acteurs la jeunesse dorée de filles et fils à papa, élevés en batteries dans les écoles de commerce et propulsés « consultant » chez les Big five du consulting de la capitale… Corrosif et dense, mais inégal.

« Money, money » de Martin Amis: portrait d’un flambeur

« Money, money » de Martin Amis, troisième roman de l’enfant terrible des lettres anglaises, surfe sur la vague très clinquante des eigties où régnait la débauche d’argent, de sexe et d’alcool, dans le sillage d’auteurs comme Bret Easton Ellis ou Jay McInerney. Certains ont aussi rapproché ce roman de notre « 99 francs » hexagonal de Frédéric Beigbeder, sur ces thèmes. Il dresse ici le portrait de l’un de ses flambeurs sans morale, égocentrique et vulgaire qui ne pense qu’à s’enrichir et qui ont érigé le fric et la pornographie comme dieux tout puissants. On suit donc John Self, réalisateur, trentenaire, de renom dans ses tribulations entre les hôtels de luxe de New-York et de Londres, en tout point détestable et jamais avare d’excès en tout genre.

« Le plus petit zoo du monde » de Thomas Gunzig : L’espèce humaine en voie de dépression

« Le plus petit zoo du monde », ça pourrait être ces cages que nous fait visiter Thomas Gunzig, devenu pour l’occasion un guide zoologique un peu cynique. Des cages où l’espèce humaine se débat dans sa condition rarement flamboyante… De pauvres hères que l’on préfère voir de loin derrières les grilles de leur ménagerie.

Do you like your job ? de Charles Guérin Surville : Stratégies de survie d’un VRP de Paris au Mans jusqu’à LA…

Difficile de ne pas songer à Houellebecq et à son magistral roman « Domaine d’extension de la lutte » en lisant ce premier roman (autobiographique) de Charles Guérin Surville, paru à la rentrée littéraire de septembre 2005, en même temps que le fameux « Blog de Max ». On y retrouve les mêmes critiques de l’entreprise, de son système oppressant et inhumain, de la tension existant entre collègues du bureau, de la misère affective et sexuelle… Mais la comparaison s’estompe assez vite car Charles Guérin Surville possède une voix et un univers bien à lui. Au lieu d’être la pâle copie qu’on craignait « Do you like your job ? » s’avère un roman puissant, acéré, à l’humour cynique et attachant sur les tentatives d’un VRP exploité et humilié par sa firme américaine, pour retrouver une dignité ou encore aimer une femme sans l’acheter…

Chasse à courre de Clémence Boulouque : Chasse à l’homme et au CV en milieu carnassier

C’est à la rentrée littéraire passée, en 2005, que Clémence Boulouque a publié ce troisième roman inattendu sur l’univers des chasseurs de tête. La délicate jeune femme s’est ici essayé à dépeindre le monde impitoyable des affaires et du recrutement de haut niveau (qu’elle connaît bien pour avoir elle même exercé en tant que chasseuse) à travers une figure masculine. Une première pour cette habituée des personnages féminins éthérés, souvent doubles d’elle-même. Frédéric Marquez, un moins de trente ans, haut potentiel d’une grande banque d’affaires débute une nouvelle carrière dans un prestigieux cabinet de recrutement. Sa course effrénée vers le succès et le pouvoir dans les hautes sphères le conduira à repousser sans cesse les limites jusqu’au drame qui remettra en question sa vision de la vie. Si l’idée du roman est excellente, certains critiques ont jugé le traitement décevant (trop de lieux communs ou de longueurs), tandis que d’autres ont salué son analyse fine et sa satire des rapports déshumanisés en vigueur dans ce milieu. Notre verdict ?

La flèche du temps de Martin Amis : Plongée à reculon dans le passé terrifiant d’un médecin nazi

Qui est donc ce mystérieux Tod Friendly, qui vit dans « l’Amérique des cordes à linge et des boîtes à letrres, l’Amérique innocente, l’Amérique affable du melting pot, de couleurs primaires, du Toi-ça va-Moi-ça-va » ? Un honnête citoyen américain ? Un vieux monsieur mourrant dans son lit d’hôpital ? En apparence, une scène banale jusqu’à ce que se produise un curieux phénomène qui entraînera non pas sa mort définitive mais son rajeunissement progressif…

« Glamorama » de Bret Easton Ellis : « Cette époque n’est pas faite pour les innocents »

Avec Glamorama, Bret Easton Ellis rédige le pendant d’American Psycho et de ses ouvrages précédents : Moins que zéro, Les lois de l’attraction… Toutes les castes privilégiées de la société américaine y passent: étudiants, enfants du showbiz, yuppies, mannequins, acteurs et célébrités. Je rapproche préférentiellement Glamorama d’American Psycho pour la simple raison que l’auteur l’a voulu ainsi. En fait Glamorama montre le côté des frères des yuppies, ceux qui ont choisi le mannequinat plutôt que la finance. Ceux qui ont glandé à Camden à fumer des pétards pendant que leurs frères prenaient des amphètes à Harvard.

Mon idée du plaisir par Will Self : Littérature Britishement Incorrecte

‘Bad boy prodige, déjanté et mortifère’, ‘enfant terrible des lettres britanniques’, ‘popstar loufoque’… : autant de qualificatifs employés pour décrire Will Self. Figure de proue de la littérature british new look, ce toxicomane repenti, né au début des années 60, est l’auteur d’une œuvre exubérante à la satire dévastatrice. Après plusieurs années de journalisme (London Evening Standard, The Observer, The Times…), il entre avec fracas (en 1991) dans le monde du roman avec un premier recueil de nouvelles : « La théorie quantitative de la démence ». Il y expose alors avec tout le cynisme et le sérieux qui le caractérise les mécanismes de la folie humaine selon le principe hautement scientifique des vases communicants. Le postulat de cette démonstration subversive : et si la raison était la forme la plus avancée de la folie ? Il est sacré meilleur auteur anglais de l’année par la revue Granta.