Romans générationnels

Sélection de romans, essais, nouvelles des nouvelles générations X ou Y...: au coeur de la ville et de son ultra-moderne solitude, les adulescent(e)s tentent de devenir adulte, de surmonter leurs doutes et autres angoisses existentielles, de s'adapter ou même de conquérir le monde !

« J’ai fait HEC et je m’en excuse » (F.Noiville), « On vous rappellera… » (S.Talneau), « Je suis morte et je n’ai rien appris » (S.Colleter) : radiographie de l’élite côté campus

La critique du monde du travail et de l’entreprise est devenue un classique avec quelques romans et essais polémiques emblématiques. Mais les « racines du mal » sont peut-être à débusquer en amont, là où se formatent les esprits des managers de demain. Les prestigieuses écoles, de HEC aux prépas scientifiques, sont ainsi passées au crible par les jeunes auteurs pour leur enseignement ou leurs pratiques pas toujours très saines… Et lorsque l’on sort de ces « usines à produire de l’élite », les promesses d’avenir brillant ne sont pas toujours tenues sur un marché de l’emploi morose pour les jeunes diplômé(e)s… Décryptage de quelques désillusions scolaires modernes :

Succès premier roman : « Mes illusions donnent sur la cour » de Sacha Sperling

Avec ses 23000 exemplaires écoulés en 2 mois de « Mes illusions donnent sur la cour », Sacha Sperling a donc de quoi se réjouir doublement. En effet de nos jours, il est très difficile pour un premier roman d’émerger. Alors qu’il y a encore quelques décennies, un auteur inconnu pouvait espérer vendre quelques 3000 exemplaires, ce chiffre a été divisé par 5 pour descendre à 500… Sperling revient sur le succès de son roman ellisien « Mes illusions donnent sur la cour » que nous vous recommandions lors de la rentrée de septembre 2009 :

Fake de Giulio Minghini: « Il suffit de s’inscrire, tu verras »…

Finaliste du prix de Flore 2009 et très soutenu notamment sur Facebook (un comité a été créé à l’initiative de Richard Duvalec), Fake est le premier roman d’un trentenaire italien immigré à Paris et traducteur, Giulio Minghini. Publié en avril 2009 et salué par la critique, ce livre d’inspiration autobiographique a aussi provoqué un petit scandale au sein des communautés qu’il tourne en satire : celles des sites de rencontres (voir ci-dessous*). En retraçant son expérience pendant près d’un an, à la suite d’une rupture amoureuse, il nous plonge dans les méandres de ces labyrinthes virtuels faits de solitude, manipulation, vanité et (dés)illusions. Dans la lignée de Mammifères de Pierre Mérot, un texte érudit, cinglant, glacial voire terrifiant… et en cela fascinant voire magistral :

Enterrement de vie de garçon de Christian Authier : Mémoires d’un trentenaire à la jeunesse à fleur de peau (sortie poche rentrée 2009)

Dans « Enterrement de vie de garçon », Christian Authier nous parle de la jeunesse comme d’une zone à part. Beaucoup ont hâte de la quitter quand ils la traversent avant d’en cultiver la nostalgie le restant de leur vie. Tel le ciment, la jeunesse sèche vite et les empreintes accidentelles qu’elle aura reçues deviendront des cicatrices », écrit-il poétiquement. On n’échappe jamais à sa jeunesse. « On ne guérit pas de son passé », nous dit encore ce journaliste et critique toulousain pour le Figaro, auteur de plusieurs essais (dont « Le nouvel ordre sexuel », « Clint Eastwood »…), dans son premier roman paru en 2004, sélectionné pour le Prix Interallié 2004 (finalement attribué à Florian Zeller pour la Fascination du pire).

La couronne verte de Laura Kasischke: Légende Maya et contes urbains

Comme dans son précédent roman, Rêves de garçons, Laura Kasischke met en scène dans La Couronne verte des personnages stéréotypés, ados à l’américaine, support idéal pour opérer le renversement qui caractérise ses livres – pour révéler le fond d’atrocité qui subsiste derrière chaque apparence, aussi lisse et légère soit-elle. Imaginez, trois filles, jeunes et jolies, récemment diplômées (la fin du lycée), libérées pour un temps de l’emprise familiale. Vous faîtes bien vous dire déjà : ça va mal finir.

Les tribulations d’un précaire d’Iain Levison : « Et les mouettes, elles bronchent pas, elles encaissent »

Remarqué par son premier roman « Un petit boulot », un récit mordant, drôle et bien mené, Iain Levison, romancier américain, né en Ecosse, publiait en 2007 une variation sur le même thème : le récit de la multitude de petits jobs qu’il a dû effectuer pour survivre. Cet habitué de l’élastique social qui a connu aussi bien « les taudis écossais » que « les plus riches quartiers américains » retrace ici son parcours de travailleur itinérant… Après les Intellectuels précaires, les mcjobs de la génération X ou des jeunes diplômés (« Le petit grain de café », « On vous rappellera », « Dans la vraie vie », « Les tribulations d’une caissière« , la BD « Moi vivant, vous n’aurez jamais de pause ! ou comment j’ai cru devenir libraire« ), il nous livre sa vision (se voulant) caustique et un brin désabusée du monde du travail et du déclassement. Malheureusement répétitive et pesante…

Récit d’un branleur de Samuel Benchetrit

Dans Récit d’un branleur Samuel Benchetrit dépeint avec une verve corrosive l’histoire d’un loser qui s’assume, anti-héro interprétant de façon singulière et désabusée le monde qui l’entoure. Récit d’un branleur s’affirme comme un premier roman prometteur.

« Confessions d’une accro du shopping » de Sophie Kinsella : Les malheurs d’une « material girl » (+ extraits)

Penchons-nous sur « Confessions d’une accro du shopping » de Sophie Kinsella, l’un des derniers gros succès en date, suite à l’article « Chick lit’ : littérature de décérébrée ou comédie de moeurs ? », récemment adapté au cinéma et qui fait l’objet d’une réédition spéciale chez Belfond. Ce premier tome de la série (vendue à plus de 600 000 exemplaires en France) signée Sophie Kinsella, ex journaliste financière (dépressive) s’inspire de son expérience pour nous conter les mésaventures de son héroïne : la facétieuse et dépensière, Becky Bloomwood.

« Vers la douceur » de François Bégaudeau : Modern love (+ extraits)

Nous vous l’annoncions dans un précédent billet (François Bégaudeau va publier un nouveau roman de trentenaire… et fait des émules), François Bégaudeau ne se repose pas sur ses lauriers tout frais du Festival de Cannes et après avoir publié dans la foulée son Anti-manuel de littérature, nous le retrouvons avec sa caquette de romancier avec « Vers la douceur », un roman « trentenaire », genre qu’il disait pourtant ne pas affectionner. Un livre très attendu (au tournant) comme en témoigne le bouche à oreille déjà intensif avant la sortie dudit roman !

« Les bonbons chinois » de Mian Mian, Fureur de vivre des jeunes amants dans la Chine underground

Chef de file d’une nouvelle génération de romancières asiatiques (post-maoïste, celle de Den Xiaoping), « Les bonbons chinois » de Mian Mian a défrayé la chronique en 2000 lors de la parution en Chine de ce premier roman, censuré avant d’être traduit avec retentissement (simultanément avec le superbe « Shangaï Baby » de Zhou Weihui qu’elle a d’ailleurs accusé de plagiat) à travers le monde dont la France en 2001. Qualifié de « scandaleux » ou de « sulfureux »…

« Mari et femme » de Régis de Sa Moreira, Thérapie de couple de choc !

Avec « Mari et femme », Régis de Sa Moreira, jeune auteur de 35 ans, trace son sillon discrètement mais sûrement au sein de la littérature nouvelle génération. Il a fait ses débuts au Diable Vauvert, en même temps que son confrère Nicolas Rey avec un premier opus intitulé « Pas de temps à perdre » en 2000. Toujours fidèle à la maison fondée par Marion Mazauric, il publie en cette rentrée littéraire ce quatrième roman qui faisait partie de la première sélection du prix de Flore 2008. A l’instar d’un David Foenkinos, il y explore le thème du couple et de l’usure du désir, à travers un roman flirtant avec le fantastique, amusant mais pas toujours très subtil…

Le livre de Joe de Jonathan Tropper, Qu’avons-nous fait de nos 17 ans ?

Publié fin 2005 en France, « Le livre de Joe », deuxième roman de Jonathan Tropper, auteur de la nouvelle génération littéraire américaine, a connu un beau succès et un excellent bouche-à-oreille lecteurs. Ce new-yorkais n’a pas suivi pour rien des cours de créative writing et cultive un talent certain pour calibrer parfaitement ses chapitres et ses personnages pour un page-turner efficace. Si le côté « ficelles d’écriture » est parfois un peu agaçant, il n’en demeure pas moins une vraie sensibilité qui nous rend très attachante cette histoire de trentenaire de retour dans sa ville de jeunesse

« Comment je suis devenu stupide » de Martin Page, La poursuite du bonheur… par la stupidité ?

Flash-back sur « Comment je suis devenu stupide » de Martin Page, le premier roman qui l’a révélé, petit succès de 2001 au titre provocateur et accrocheur qui partage néanmoins les lecteurs, enthousiastes ou dubitatifs sur le « concept ». Le principe: voyager dans la stupidité et s’abrutir pour parvenir au bonheur, même si cette curieuse « Odyssée personnelle » pourrait bien le mener sur la rive inverse…

« Guerre à Harvard » de Nick Mc Donell, Tentative d’un campus-novel post 11 septembre

Attardons-nous plus précisément sur « Guerre à Harvard » de Nick Mc Donell, suite à notre tour des teen-novels de la rentrée littéraire 2008. Dans ce court récit de 95 pages, l’auteur creuse le sillon de l’autofiction estudiantine, après deux premiers romans très remarqués et traduits dans une dizaine de langues – Douze (Denoël, 2004) et Le troisième frère (Denoël, 2006).

« Ferdinand et les Iconoclastes » de Valérie Tong Cuong, Un business-novel en forme d’utopie qui ne tient pas ses promesses…

On entend beaucoup parler de Valérie Tong Cuong ces derniers temps pour son dernier opus « Providence » (paru en avril 2008), un roman choral souvent comparé par la critique au film « Magnolia » (d’Anderson) et qui est d’ailleurs en cours d’adaptation ciné. L’occasion de revenir sur l’un de ses précédents succès publiés en 2003, « Ferdinand et les Iconoclastes » (disponible en poche Nouvelle génération, J’ai lu). Quatrième roman de l’auteur qui aime à cultiver les histoires plutôt noires voire désespérées où le mal-être, l’inadéquation à soi et la non intégration aux autres prédominent (notamment «Big», «Gabriel» et «Où je suis»)… Cette mère et « femme de » (elle est l’épouse d’Eric Tong Cuong, golden boy de la pub reconverti dans l’industrie musicale), ex professionnelle de la « communication », passée aussi par la case journalistique avant de s’adonner à l’écriture et à la musique (chanteuse sous le pseudo de « Qvoice » au sein du groupe electro trip-hop « Quark »), a fait grand bruit à l’époque de la sortie de ce roman, récoltant des critiques enthousiastes.

« Le petit grain de café argenté » de Guillaume Tavard, Survivre à Londres au pays des « Mcjobs »…

« Le petit grain de café argenté » de Guillaume Tavard: à travers les mésaventures d’un jeune français fraîchement débarqué à Londres et embrigadé un peu par hasard dans un job de chaîne de restauration rapide, il décrit le désenchantement, la solitude mais aussi la difficulté de trouver sa voie dans une société en forme de rouleau-compresseur pour les doux rêveurs… Un roman générationnel qui décrit notre époque avec une ironie douce-amère et un humour incisif mâtiné de tendresse.

« Eastwood, Mes femmes et moi » de Christophe Nicolle : La vie comme un western !

La bonne impression produite par le premier roman de ce trentenaire, paru en 2006 « L’important c’est d’avoir connu l’amour », se confirme avec ce deuxième roman (« Eastwood, Mes femmes et moi ») toujours aux éditions Bernard Pascuito. Et la filiation avec Nick Hornby se ressent de nouveau, même si la passion pour la pop rock est ici remplacée par une passion cinématographique pour l’acteur et réalisateur Clint Eastwood. Le dilemme reste le même : peut-on tomber amoureux de quelqu’un ne partageant pas nos goûts et nos passions ? L’auteur fait le pari original de nous raconter ses déboires amoureux à travers sa relation au mythique cow-boy de la trilogie Leone…

Christophe Paviot refait le portrait de Kurt Cobain et Jérôme Attal raconte sa vie avec les Beatles

La musique, rock, pop ou rap inspirent de plus en plus la nouvelle génération d’écrivains nourris autant de décibels que de manuscrits. A tel point que l’on parle souvent de « roman rock ». Malheureusement il ne suffit pas toujours de s’inspirer d’une icône forte pour faire un bon roman, quelque soit son potentiel romanesque. Récemment on se souvient en 2007 du décevant « Boys in the band » de David Brun-Lambert sur Pete Doherty ou encore de Joy Sorman qui signait « Du bruit » en hommage à NTM. Les éditions Naïves ont, elles, fait le pari périlleux de donner la parole à des écrivains pour évoquer un artiste qui les a marqués. Cette collection baptisée « Sessions » a notamment déjà publié Stevie Wonder vu par Anna Rozen, Mick Jagger par François Bégaudeau, les Beatles par Claro ou encore Indochine par Chloé Delaume. Christophe Paviot et Jérôme Attal s’essaient à leur tour au genre: (+ vidéo « Salon du livre ») :

« N’oubliez pas de vivre » de Thibaut de Saint Pol, L’enfer des prépas vu de l’intérieur

« N’oubliez pas de vivre » de Thibaut de Saint Pol, premier roman d’un élève de 23 ans de l’Ecole Normale Supérieure et de l’ENSAE au moment de son écriture en 2004, lauréat du prix France Bleu puis paru en poche en septembre 2006. Il nous dévoile les coulisses sans pitié des prépas (hypokhâgne et khâgne) aux grandes écoles : un monde à part où se forme « l’élite de la nation ». Un monde qui voue un culte et place les connaissances et les livres au-dessus de tout y compris de la vie. Un thème qui rappelle le film  » Le plus bel âge » avec Elodie Bouchez ou encore dans une moindre mesure « Le cercle des poètes disparus ».

« Sous le régne de Bone » de Russell Banks : Fugue initiatique d’un ado « sans foi, ni loi »

« Sous le régne de Bone » de Russell Banks reprend le principe de la fugue initiatique adolescente. Un genre dont les américains ont inventé les codes dont Salinger et son fameux « L’attrape-coeur » est peut-être le plus emblématique. Russell Banks en signe aussi une magistrale illustration. A travers le destin chaotique du jeune Chappie rebaptisé Bone, en référence à son tatouage, il dépeint avec une justesse et un rythme infaillible la condition des enfants de l’Amérique laissés-pour-compte et en filigrane, la déliquescence du rêve et de la famille américains… Un roman de formation dans la pure tradition américaine culte !